Bien que les commentaires soient actuellement fermés pour la plupart des articles, vous pouvez vous exprimer dans la section Réactions. Abonnez-vous aux flux RSS ci-contre pour être tenu(e) au courant des nouveaux articles mis en lignes sur ePhotos.online

 

Photo stéréoscopique

Image en reliefAvec le matériel numérique, la prise de vue en relief (ou plus précisément, stéréoscopique) obtenue en réalisant simultanément deux clichés depuis des positions légèrement décalées, est devenue bien plus facile. Plus facile à mettre en œuvre et plus facile à valider.

L’apport du numérique se situe essentiellement au niveau financier (en autorisant de nombreux essais à moindre coût) mais aussi au niveau du post-traitement en permettant de réaliser des assemblages facilement et bien plus précisément.

Pour le reste, le principe est le même quel que soit le support, argentique ou numérique, et les contraintes restent identiques. Pourtant, la souplesse du numérique permet d’envisager des fonctions dédiées à la photo en relief. Pentax, par exemple, a proposé à une époque, avec son Optio 330 GS (entre autres), un mode 3D très bien pensé et très efficace. Mais cette option n’est hélas pas disponible sur tous les modèles ni toutes les marques.

Revenons en détail sur le principe pour réaliser de bonnes images stéréoscopiques mais aussi pour comprendre les limites du principe.

Deux yeux, un cerveau

Nous percevons le relief (et accessoirement, les distances et les vitesses) parce que nous observons le monde qui nous entoure avec nos deux yeux. Si nous fermons alternativement un œil puis l’autre, nous constatons aisément qu’ils ne voient pas notre environnement sous le même angle (fig. 1). Pourtant, si les deux scènes vues par chacun de nos yeux sont différentes, la sensation d’unité est bien présente ; notre cerveau se charge d’intégrer ces vues pour les traduire dans une vision mentale unique.

Principe stéréoscopie
Fig. 1 : chaque œil a de la scène une une vue
qui lui est propre : la position latérale relative
des objets entre eux dépend de leur distance
à l’observateur et de l’œil avec lequel on les
regarde.

Nos deux yeux sont écartés en gros de 7 cm. Si donc on prend deux photos de deux points de vue distants d’environ 7 cm (disons entre 5 et 10 cm), on doit être en mesure de retrouver un résultat au rendu naturel.

On le constate pourtant facilement, les images stéréoscopiques ont toujours une allure un peu artificielle, même quand on met du soin à les réaliser.

En effet, nos yeux sont mobiles. La position de la pupille dans le globe oculaire est variable aussi bien de gauche à droite que de bas en haut. Ces mouvements (auxquels on peut ajouter ceux de la tête et du corps) produisent une multitude d’images différentes que le cerveau intègre et que deux images ne sauraient résumer.

En plus de cette intégration spatiale a lieu une intégration temporelle ; le cerveau constitue une scène mentale à partir d’images évoluant aussi bien dans le temps que dans l’espace, ce qui constitue une richesse d’information incomparablement plus importante que la seule stéréoscopie d’images fixes.

Ces phénomènes permettent à une personne ayant perdu l’usage d’un œil, par exemple, de percevoir quand même un léger relief. Un relief additionnel bien réel et présent aussi chez le personnes munies de toutes leurs facultés visuelles. Ces informations enrichissent considérablement la scène mentale qui atteint au final une complexité que la seule stéréoscopie ne parviendra pas à égaler.

Simultanéité

Un des premiers mots utilisés dans cet article est simultanément. Effectivement, dans l’idéal, il faudrait que les deux images correspondant à chaque œil soient réalisées au même instant. Pour parvenir à la simultanéité, il faudrait utiliser en principe deux appareils photo. Il faudrait aussi les solidariser pour qu’ils pointent en permanence dans la même direction (ou, plus justement, que leurs directions se croisent à l’endroit où est réalisée la mise au point) et penser à utiliser des réglages (distance de mise au point, focale, ouverture, vitesse, sensibilité…) identiques. Il faudrait donc aussi utiliser un dispositif de déclenchement simultané.

Optio mode 3D

On comprend immédiatement que, si c’est la meilleure façon, en théorie, de réaliser une prise de vue stéréoscopique, surtout pour les sujets en mouvement, cette méthode suppose des préalables financiers et techniques non négligeables.

Dès que le sujet, ou plutôt la scène, est “suffisamment” immobile, deux prises de vues successives et non plus simultanées, légèrement décalées dans le temps peuvent faire l’affaire.

Néanmoins, il faudra tenir compte que ce décalage temporel entraîne des artefacts dans les cas suivants :

  • sujet en mouvement
  • photographe en mouvement
  • mouvements dans la scène (feuilles, nuages, vagues…)
  • variations de lumière (ombres…)

En extérieur, l’élément à surveiller, cause de la plupart de ces effets, est le vent.

Signalons que les appareils disposant d’un mode 3D, tels l’Optio 330GS déjà évoqué, ne permettent pas de réaliser des vues simultanées au travers de ce mode. Ils facilitent néanmoins la réalisation de vues décalées dans le temps.

Prise de vue

Comme toujours en photo, plus on soignera la prise de vue, plus le travail au labo sera facile.

Une fois le sujet choisi (pour son intérêt et pour sa compatibilité avec la prise de vue en relief), il faut d’abord établir les paramètres d’exposition. Pour un rendu naturel, une profondeur de champ importante est généralement préférable. À cette fin, on ferme le diaphragme. Il faut toutefois conserver une vitesse suffisante si on travaille à main levée.

Pour réaliser deux vues identiques, il est préférable de travailler en mode manuel.

Ensuite, il faut veiller à garder un alignement des deux vues aussi parfait que possible. Ce point est très important. Et l’alignement doit s’entendre aussi bien en translation (hauteur et largeur) qu’en rotation. Les conséquences d’un alignement défaillant seraient entre autres :

  • une focale résultante plus importante du fait du recadrage obligatoire
  • une perte de qualité pour récupérer un défaut en rotation
  • un effet stéréoscopique dégradé dans les angles et les bords à cause des aberrations de l’objectif qui ne seraient pas superposées d’une vue à l’autre
  • etc

Une bonne façon de faire est de se servir des repères situés sur le dépoli du viseur, s’il y en a, et de s’aider d’un trépied, si on peut.

Bien repérer ce qui se trouve au centre et utiliser au moins un autre repère lors de la première prise de vue. S’appuyer sur ces points remarquables au moment du second déclenchement. Entre les deux, déplacer l’appareil de gauche à droite (ou le contraire) d’une dizaine de centimètres. Personnellement, je me contente de reposer mon poids sur mon pied gauche puis sur mon pied droit. Ça paraît peu mais c’est très efficace.

Préparation

Une fois les vues réalisées, il faut trouver un moyen de les présenter pour en permettre l’observation.

La phase générale de préparation est globalement identique quelle que soit la méthode de présentation finale : seules les dernières étapes de mise en place différent.

Alignement par transparence
Fig. 2 : alignement par transparence

La première chose à faire est d’aligner les deux vues.

Pour ce faire, utiliser par exemple Photoshop Elements. Placer chacune des images dans un calque et régler la transparence du calque du premier plan à 50%. Régler l’agrandissement de l’affichage sur 100% et se placer au centre de l’image en choisissant un détail. Ici, l’angle du pignon servira de repère.

Sélectionner le calque d’avant-plan et, avec les touches de direction, aligner le mieux possible les deux vues dans cette partie centrale. C’est le cas quand la netteté est maximale pour le détail choisi comme repère (fig. 2).

Alignement par différence
Fig. 3 : alignement par différence

Une autre façon de procéder consiste à passer le calque supérieur en mode différence : l’alignement est bon quand la partie centrale est la plus sombre possible, pratiquement noire (fig. 3).

Personnellement, je trouve cette méthode moins intuitive mais il est toujours bon d’en connaître plusieurs.

Revenir à une vue plus générale et vérifier s’il n’y a pas de problème d’alignement majeur en rotation (les éléments des deux images doivent se situer à la même hauteur).

Utiliser ensuite l’outil de recadrage pour ne conserver que la partie commune des deux images. Photoshop a la gentillesse de “coller” aux limites des calques pour nous aider.

La partie commune du traitement est terminée.

Assemblage

Il existe de nombreuses façons d’assembler et de présenter des vues stéréoscopiques. Nous n’en examinerons que deux pour leur facilité et leurs moindres coûts de mise en œuvre.

Juxtaposition croisée
Fig. 4 : juxtaposition croisée. Notez le décalage
relatif des objets entre eux.

La première, qui ne nécessite aucun matériel particulier, consiste à juxtaposer les deux images pour en faire une double-vue immédiatement utilisable. Il faudra donc doubler la surface de la zone de travail.

L’avantage de cette méthode est d’être totalement compatible avec la photo couleur. Le principal inconvénient est de nécessiter la participation active de l’observateur : ce dernier doit arriver à superposer les deux vues. Là encore, un problème se pose : soit la vue pour l’œil gauche est placée à gauche, soit elle est placée à droite.

Dans le premier cas, l’écart maximal entre le centre des deux vues ne doit pas dépasser l’espacement entre les deux yeux, disons 7 cm. Ceci impose que les images ne fassent pas plus de 7 cm de large (si l’observateur est capable de décroiser un peu les yeux, on peut atteindre 10 cm mais guère plus). L’observateur, pour superposer les deux vues, doit “simplement” regarder droit devant, le regard parallèle.

Dans le deuxième cas, l’observateur doit croiser les yeux, loucher donc (fig. 4 & fig. 5). Seules les limites de la capacité de l’observateur à loucher détermine l’espace maximal entre les deux vues, donc leur largeur maximale (en fait, dans ce cas, on peut utiliser de grandes images pourvu qu’elles soient assez éloignées pour que l’angle formé entre elles et l’observateur soit compatible avec ses capacités à loucher).

On remarque aussi que la juxtaposition, qu’elle soit croisée ou parallèle, impose aux yeux d’être parfaitement alignés avec les deux images et à l’observateur d’être pratiquement en face, sans quoi la superposition mentale devient difficile.

Juxtaposition croisée
Fig. 5 : juxtaposition croisée

Dans la pratique, l’assemblage croisé est bien plus facile à observer par la plupart des gens même si l’assemblage parallèle donne une meilleure sensation d’espace. En effet, la plupart des sujets stéréoscopiques sont des paysages ou au moins des scènes distantes. Regarder au loin, les yeux parallèles, est en accord  avec le sujet du point de vue du cerveau.

Si toutes les précautions n’ont pas été prises sur le terrain, par manque de temps pour figer le paramètres ou pour toute autre raison, il peut être nécessaire de réaliser une harmonisation tonale entre les deux vues pour éviter que des écarts importants de luminosité et de dominante gâchent le résultat.

Anaglyphe
Fig. 6 : anaglyphe

La deuxième façon d’assembler les deux vues consiste à les superposer. Pour voir le résultat, il faut trouver un moyen de transmettre à chaque œil l’image qui lui est destinée.

La méthode la plus utilisée est l’anaglyphe (fig. 6). Elle repose sur l’utilisation de lunettes spéciales dont un œil est muni d’un filtre rouge et l’autre un filtre cyan.

Le rouge et le cyan sont deux couleurs parfaitement opposées sur le cercle chromatique. Ce qui fait qu’un filtre rouge, s’il est parfait, élimine totalement le cyan et réciproquement.

En empilant les deux vues teintées chacune en rouge et en cyan, on peut ainsi adresser à chaque œil la partie de la scène qui lui est réservée.

Avantages, pas besoin de commander ses yeux pour observer, pas de limite concernant la dimension des images et le principe est très tolérant pour les observateurs qui ne seraient pas parfaitement face à l’image ou qui la contemplent sans que leurs yeux soient parfaitement alignés avec elle.

Inconvénient, comme on teinte les images et qu’on utilise des lunettes teintées, les couleurs d’origine sont fortement dégradées, d’autant plus qu’elles s’approchent du rouge et du cyan. Et ça ne manque pas dans la vie quotidienne. C’est pourquoi les anaglyphes sont la plupart du temps préalablement traitées en noir et blanc.

Anaglyphe : calques
Fig. 7 : calques pour anaglyphe

Autre inconvénient, parvenir à fabriquer des lunettes aux filtres parfaitement complémentaires n’est pas aisé (en pratique on utilise des lunettes en carton préfabriquées) et faire parfaitement correspondre les teintes de l’écran ou de l’imprimante avec celles des lunettes peut s’avérer difficile. Du coup, une partie de l’image destinée à l’œil droit peut parvenir à l’œil gauche et vice versa. Ça se traduit par des images fantômes plus ou moins visibles qui peuvent se révéler assez gênantes.

Pour mettre en œuvre l’assemblage en anaglyphe, l’alignement des images doit être réalisé avec beaucoup plus de soins qu’avec la simple juxtaposition. Mais si la prise de vue a été correctement effectuée, une minute de Photoshop suffit pour produire un anaglyphe (fig. 7 & fig. 8).

Juste après la phase d’alignement, en laissant l’opacité du calque supérieur à 50%, on associe à chacun des calques pour chaque œil un calque de transfert de dégradé (on a déjà vu une utilisation de ce type de calque pour le noir et blanc). À l’œil gauche on attribue un dégradé rouge (RVB = 255,0,0) et à l’œil droit un dégradé cyan (RVB = 0,255,255) et on prend soin de les associer (toutes les versions de Photoshop décalent vers la droites les calques associés).

Anaglyphe : transfert de dégradé
Fig. 8 : transfert de dégradé (cyan et rouge)

Vous noterez qu’à ce stade, observée avec les lunettes, l’image a totalement perdu ses couleurs alors qu’aucune phase de désaturation n’a été réalisée.

Je vous laisse comprendre pourquoi : c’est un excellent exercice pour bien comprendre comment marchent les calques, les couleurs, le transfert de dégradé, etc.

L’image risque d’être un peu molle ; un calque supplémentaire de réglage des niveaux viendra régler ce problème.

Mais attention : tout réglage doit maintenant se faire équipé des lunettes ad hoc, sans quoi on risque de détruire le travail déjà effectué.

Conclusion

Créer des images stéréoscopiques n’est pas si difficile qu’il y paraît et ça permet à la fois de s’amuser, de comprendre des choses nouvelles et de ramener de nos sorties des images différentes qui viendront enrichir nos souvenirs ou compléter notre technique.

Je vous invite à tester puis à compléter votre curiosité sur la toile : on y trouve vraiment des choses passionnantes sur le sujet.

Références

http://fr.wikipedia.org/wiki/Stéréoscopie
http://www.panoramio.com/user/616684/tags/3D
http://www.stereo-club.fr/