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HDR/HDRI : des images à plage dynamique élevée

Exemple typique HDRiTrès en vogue depuis quelques temps, les images HDR (ou HDRI : High dynamic range images) constituent une tentative de réponse à l’étroitesse, somme toute très relative, de la plage de sensibilité des capteurs numériques embarqués dans nos appareils photo actuels.

Cette réponse essentiellement technique a eu vite fait de se poser comme mode d’expression pour certains. Pour beaucoup en tout cas, elle fait office de martingale pour transformer des images banales en “œuvres”.

Pourtant, loin de n’être qu’une possibilité de produire des images d’un mauvais goût prononcé, la technique HDR permet de développer des photos difficiles et de rendre à la scène ce que l’œil du photographe a pu percevoir et qui dépassait les capacités dynamiques de l’appareil. Dans ce sens, cette méthode, ces méthodes, viennent compléter la boîte à outils du photographe numérique qui désire mettre au service de sa production tout ce qui peut contribuer à en améliorer le résultat.

Les limites du capteur

Nos appareils photo numériques embarquent un capteur dont la latitude d’exposition — l’écart entre la zone la plus claire enregistrable et la plus sombre — se situe aux alentours de 7 diaphragmes, ou plus précisément, 7 IL, soit en gros l’équivalent d’un film inversible. D’un IL à l’autre, il y a deux fois plus ou deux fois moins de lumière. Autrement dit, nos appareils savent encaisser des écarts de lumière dans une proportion allant de 1 à 2 puissance 7, soit de 1 à 128. Par comparaison, l’œil sait encaisser des écarts de 1 à 100 millions. Cependant, les scènes comportant des écarts aussi violents n’existent pas ; tout au plus rencontre-t-on dans la nature des écarts de 1 à 50000. C’est déjà considérable.

Les limites du format de fichier

Les images, une fois acquises par le capteur, doivent être enregistrées. Pour être manipulables, il a bien fallu s’entendre sur un format d’enregistrement.

Les appareils photo numériques savent tous enregistrer leurs données au format JPEG. Ce format permet de coder chaque élément individuel sur 256 niveaux (8 bits). C’est le format d’affichage le plus répandu et que savent lire tous les logiciels.

Les appareils un tant soit peu évolués savent enregistrer, si on le leur demande, leurs données brutes (raw en anglais). Le format RAW n’est pas universel ; chaque marque propose sous ce nom un format de fichier en principe incompatible avec les autres. Heureusement, de plus en plus de logiciels, Camera Raw en premier, savent interpréter les formats bruts des fabricants.

L’avantage du format RAW vient de ce qu’il est le plus souvent codé sur 12 bits ; il permet donc de coder chaque élément individuel sur 4096 niveaux (2 puissance 12), soit 16 fois plus qu’en JPEG.

Ainsi, le format RAW offre à la fois une plus grande étendue et une meilleure finesse d’analyse.

Néanmoins, tous ceci reste bien peu de choses face aux informations que contient une scène réelle.

Les propositions du HDR

Les techniques HDR ont été mises au point pour tenter de répondre à ce besoin d’enregistrement d’un plus grand nombre d’informations, notamment pour ce qui concerne la latitude d’exposition.

L’idée, fort simple et que tout le monde ou presque connaît désormais, est de prendre successivement plusieurs photos d’un même sujet en décalant l’exposition de sorte que toute la gamme des intensités lumineuses présentes dans la scène figure convenablement exposée sur au moins une des prises de vue.

Les réponses du HDR

Bien entendu, on rencontre des contraintes opérationnelles du fait du décalage de temps entre chaque photo ; il faut éviter que ne bougent l’appareil et le sujet, il faut, pour conserver une profondeur de champ homogène, jouer sur la vitesse d’obturation et non sur le diaphragme, etc. Mais laissons de côté ces considérations collatérales pour nous concentrer sur l’objet premier du HDR, l’extension de la couverture tonale.

Une fois toutes ces vues engrangées, il faut trouver le moyen d’en assembler les informations de valeur. L’image la plus sombre donnera des informations détaillées et fiables sur les zones les plus claires et c’est pour les zones les plus sombres que l’image la plus claire sera mise à contribution. Les autres vues apporteront des informations sur les zones d’intensité intermédiaire.

Assemblage HDRi
Fig. 1 : assemblage HDRi

On peut procéder à l’assemblage de ces informations à la main mais ça risque d’être fastidieux et complexe, surtout si les images sont nombreuses, d’autant qu’il nous faut composer avec les limites des outils. Heureusement, on trouve aujourd’hui des logiciels qui savent piocher dans les photos les informations les plus utiles et les assembler pour nous.

Assemblage HDRi
Fig. 2 : composition HDRi à partir de trois vues

Quoi qu’il en soit, le résultat est une image bien plus riche d’informations codée en l’occurrence sur 32 bits, ce qui donne une dynamique extraordinairement étendue, une image réunissant, de façon cohérente, ce que chaque composante mise à contribution avait de meilleur à donner.

Les contraintes opérationnelles

A ce stade, si on est en présence d’un document d’une richesse extrême, on se retrouve quand même avec un problème de taille (c’est le cas de le dire). Les formats de fichiers dont on dispose sont incapables de prendre en charge des données ainsi codées.

Quand bien même, nos périphériques sont inaptes à les restituer car eux-mêmes limités pour ce qui concerne le nombre de valeurs qu’ils sont à même de gérer.

En l’état, on n’est donc pas plus avancé si on ne trouve pas un moyen de faire tenir 32 bits dans 8.

Les réponses du HDR

Quand on achète des chaussures, si on se retrouve face à un problème de pointure, on nous propose parfois un chausse-pied. Faire tenir 32 bits dans 8, brutalement, c’est utiliser un énorme chausse-pied pour arriver à nos fins.

Cette technique brutale, qu’on peut aménager un peu en jouant sur quelques réglages, est nommée tout simplement compression tonale. Visuellement, le résultat a souvent l’air d’une image très contrastée, trop contrastée. Et c’est normal puisque la méthode du chausse-pied consiste à rapprocher les extrêmes.

C’est donc une méthode qui ne rend pas, visuellement, un résultat agréable, en tout cas, pour la majorité des images. Elle peut néanmoins rendre service pour des photos techniques ou scientifiques.

Comment donc obtenir un résultat plus plaisant et réussir la compression tonale tout en réduisant la sensation de contraste global ? Eh bien, en tirant partie de la propension de notre œil à se tromper. Ou plutôt, de la capacité de notre cerveau à inventer des choses qui n’existent pas et à ignorer des choses qui existent.

Trouvez la différence entre les cases A et B
Fig. 3 : A et B identiques ? Cliquez sur l’image…

Considérons par exemple la figure 3. Tout le monde sait que la case A est blanche et que la case B est grise. Pourtant, à bien y regarder, la case A est grise elle aussi. Oui, bon, d’accord, elle est à l’ombre. Mais elle est d’un gris bien plus clair que celui de la case B.

Je suis au regret de devoir vous démentir : A et B sont exactement du même gris. Si vous en doutez, chargez cette image dans un logiciel de dessin et comparez (ou cliquez simplement sur l’image pour afficher/masquer la zone qui crée le contraste local). Le plus incroyable est que, même informé, même en ayant vérifié (et dans mon cas, même en ayant fabriqué cette image), A nous apparaît plus claire que B. Impossible de s’enlever cette idée de la tête.

L’illusion vient du contraste local généré par l’angle clair de A et l’angle sombre de B et du fait que notre cerveau s’efforce de fabriquer un monde cohérent : le coin clair de A appartient à A, il est donc de la même couleur que A et A fait partie des cases blanches, A est donc blanche, etc. Ça fait réfléchir sur notre capacité à être objectif, non ?

En tout cas, on peut utiliser la capacité de traitement fantastique de notre cerveau pour créer une image à l’allure cohérente à partir des données obtenues par assemblage HDR autrement que par simple compression tonale. En créant localement des contrastes de valeurs impossibles à trouver dans la nature, si on ne force pas trop le subterfuge, notre cerveau se fait berner. De la même façon qu’on ne peut pas regarder une scène dans son ensemble, on regarde une image par parties et notre cerveau fait un assemblage mental de ce qu’il à “vu”. Tant que la cohérence globale semble respectée, que l’assemblage mental est vraisemblable, l’illusion est parfaite.

On peut voir la façon dont ce contraste local est fabriqué par les techniques de tone mapping en partant d’images très simplifiées, idéalement en noir et blanc pour bien visualiser les valeurs.

J’ai par exemple composé les deux images suivantes :

Image sous-exposée Image sur-exposée
Fig. 4 : image sous-exposée, à gauche, sur-exposée, à droite

J’ai simulé une sous-exposition et sur-exposition en “exposant” convenablement, tour à tour, la série haute ou basse de papillons. Chacun de ces papillons est composé d’une teinte parfaitement uniforme, une valeur de gris bien précise.

Une fois ces images simplistes assemblées façon HDR et traitées par tone mapping, on aboutit au résultat suivant :

tone mapping et contraste local
Fig. 5 : le résultat du tone mapping

Regardez bien les papillons : ils ne sont plus d’un gris homogène (c’est particulièrement visible au niveau du papillon central de la série du haut) mais composés de valeurs dégradées permettant, à l’interface entre deux papillons voisins, d’augmenter le contraste local pour obtenir plus de détails que ne l’aurait fait la simple compression tonale. Même le fond n’est plus uniformément gris mais dégradé. Si les papillons avaient été composés de teintes complexes, nous n’aurions pas pu voir ce subterfuge et l’illusion aurait été parfaite (pour autant qu’on n’ait pas poussé le bouchon au delà du raisonnable, ce que hélas, on voit trop souvent).

Voilà pour les principes. Tout cela ne vous apprend pas à créer vos propres images HDR (qui constituera peut-être un autre article) mais vous aidera à comprendre un peu mieux ce que vous faites.

Références

http://fr.wikipedia.org/wiki/Imagerie_à_grande_gamme_dynamique
http://www.virusphoto.com/2373-composer-des-images-hdr.html
http://www.fill-in.fr/2008/03/24/la-photo-hdr/
http://bellette.tuxfamily.org/pixelpost/index.php?x=page&title=hdr1intro
http://www.declencheur.com/clic/archives/2007/08/hdr-photo-plage-dynamique-etendue
http://www.hdrsoft.com/ (anglais)
http://www.declencheur.com/clic/archives/2008/10/trois-techniques-photo-hdr